
Evaluation : l’enjeu croissant des dettes « opérationnelles » non financières
Publié le 29 octobre 2025Les dettes « opérationnelles » sont des engagements, financiers ou non, qui sont liés aux activités courantes de l’entreprise, généralement à court terme. Dans un modèle d’actualisation des flux de trésorerie, une forte variation de BFR lors de la première année du plan d’affaires par rapport à des niveaux futurs estimés normatifs, peut trahir une analyse incomplète des dettes financières opérationnelles. Mais l’analyse de ces dettes peut apporter beaucoup plus à l’évaluateur.
1. Une définition au contenu hétérogène ?
Les dettes « opérationnelles » financières
La financiarisation des activités courantes des entreprises n’est pas réservée aux grands groupes : mobilisations de créances, crédits de campagne, optimisation des découverts bancaires, modification des délais de règlement clients, fournisseurs, couvertures de taux, etc.
Ces opérations ont en commun de modifier les échéances des flux de trésorerie directement liés à l’activité. Et leurs impacts sont généralement chiffrables. Les évaluateurs sont habitués à les identifier et les intégrer dans leurs analyses.
Les dettes « opérationnelles » non financières
Cette catégorie regroupe les composantes habituelles du passif circulant, dont la contrepartie est le besoin en fonds de roulement : dettes fournisseurs, dettes fiscales et sociales, etc.
Mais aussi les éléments liés à des pratiques commerciales (garanties clients), à la gestion des risques (litiges), ou du personnel (litiges avec le personnel, bonus). Dans certains secteurs, il peut aussi exister des engagements réglementaires ou contractuels de maintenance, de révision, de travaux d’entretien.
Ces engagements vont également refléter des opérations non récurrentes de restructuration, de transition et d’adaptation requises par des objectifs de développement durable ou, à la limite du raisonnement, les indemnités de départ à la retraite. Le point d’attention à garder à l’esprit est que ces éléments peuvent être enregistrés en charges d’exploitation (OPEX) et non en investissements structurels (CAPEX). De même les dettes fiscales peuvent résulter de taux effectifs d’impôts variables dans le temps et du fait des conditions d’exploitation.
Ces dettes peuvent enfin résulter d’estimations et de classements comptables particuliers, qui ne sont pas nécessairement comparables au sein d’entreprises du même secteur.
2. Des impacts limités ?
L’analyse fine des dettes opérationnelles non financières n’est pas considérée usuellement comme une étape critique par les évaluateurs pour deux raisons. La première est que leurs impacts, noyés dans les variations de BFR, sont souvent considérés comme relativement limités. La seconde est que les modèles d’évaluation reposent sur des paramètres (des postulats ?) de stabilité des structures d’exploitation : BFR normatif, taux d’EBITDA observés représentatifs d’une valeur pérenne.
3. L’évaluateur en quête de cohérence
Pourtant l’attention des évaluateurs sur la nature et les évolutions des dettes opérationnelles non financières augmente lorsque les entreprises sont confrontées à des incertitudes récurrentes ou systémiques, ou à des mutations significatives, notamment liées à la durabilité. Pourquoi ?
Parce que ces analyses répondent à la nécessité de comprendre les modèles économiques des entreprises et leur gestion des risques « en dedans », sans se limiter à plaquer des profils standardisés. Cette compréhension ne peut-elle pas résulter d’échanges avec la Direction ? En partie, car ces analyses renforcent la posture d’esprit critique et fournissent des bases pertinentes de discussion contradictoire.
A partir de ces analyses, l’évaluateur pourra :
- Fiabiliser la cohérence des flux d’exploitation, d’investissement et de financement ;
- Comprendre comment le BFR en général, et les dettes opérationnelles non financières en particulier, évoluent sur l’horizon d’un plan d’affaires ;
- Jauger les estimations et la politique de gestion des risques. Pour mémoire, un projet de l’IASB de révision des approches d’estimation des passifs contingents (IAS 37) pourrait modifier certaines pratiques d’estimation ;
- Apprécier les différences de pratique entre des sociétés constitutives d’un échantillon comparable, rendant indispensables par exemple des ajustements d’EBITDA.
Ainsi, l’attention portée aux dettes opérationnelles non financières est un moyen utilisé par les évaluateurs pour s’approprier en détail les modèles économiques dans les environnements en mutation. La finalité est triple : fiabiliser les modèles d’évaluation, impacter la valeur, et, encore plus important, s’assurer de la cohérence du modèle économique sur la durée du plan d’affaires.
Les auteurs
de Noray





