Comptes semestriels 2022 : une abondance de risques ?
Publié le 26 septembre 2022L’examen des comptes semestriels publiés donne un aperçu de la situation des risques reflétés par les sociétés du CAC 40. Ces grands groupes, qui ne sont certes pas le miroir de l’ensemble de l’économie, sont une caisse de résonance du contexte actuel. La prise en compte des risques en IFRS est déterminante dans la détermination des estimations des valeurs de goodwill, des actifs d’exploitation et du niveau des engagements.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février qui fait suite à deux ans de crise sanitaire, une explosion des cours des matières premières, le retour d’un phénomène inflationniste, l’augmentation des taux d’intérêt et le dérèglement du climat. Sans oublier la flambée des prix de l’énergie. Comment ces risques impactent-ils les comptes semestriels des groupes du CAC 40 ?
Le premier constat est celui d’une très bonne performance globale : les résultats nets cumulés sont multipliés par deux par rapport au premier semestre 2021. Cette tendance, qui alimente les discours sur la taxation des superprofits, traduit la situation de transition entre la fin de la crise sanitaire et l’émergence de nouveaux risques.
Pour 35 groupes, soit 88% du CAC 40, la crise sanitaire liée au Covid-19 appartient au passé. Elle ne donne plus lieu à une note spécifique dans l’annexe des comptes. Elle peut être signalée par ailleurs pour expliquer les variations de performance au titre des effets passés et être intégrée à des commentaires contextuels, sans plus. A l’exception bien sûr de Sanofi pour qui les enjeux des nouveaux vaccins sont très significatifs, des scénarios de référence des établissements de crédit et des groupes, comme Schneider, qui rappellent à juste titre que la crise sanitaire n’est pas terminée en Asie.
L’information sur le conflit en Ukraine constitue le sujet majeur : 85% des sociétés du CAC 40 présentent une note dédiée, suivant le communiqué de l’AMF du 16 mai 2022 de l’AMF invitant les émetteurs à produire une information transparente et cohérente. 8 sociétés concluent cependant rapidement qu’elles ne sont pas exposées, géographiquement et économiquement aux effets directs de la guerre. La situation est contrastée pour le reste de l’échantillon. Les groupes les plus exposés (Total, Société Générale, Renault, etc.) consacrent des notes très détaillées sur les circonstances conduisant notamment à des processus de cession d’actifs, par application d’IFRS 5, et des dépréciations d’actifs pour des montants totalisant 11 milliards d’euros. D’autres groupes informent sur leur niveau d’exposition, en général entre 1 et 2% du chiffre d’affaires, sur les mesures prises pour protéger les personnes les actifs. S’agissant des goodwills, seulement 6 sociétés considèrent que la guerre en Ukraine est un indice de perte de valeur. Les tests de dépréciation réalisés n’aboutissent alors à aucune perte dans 50% des cas.
Les liens entre le conflit et la hausse des coûts, en particulier de l’énergie, sont souvent expliqués. Mais les informations sur les impacts sur les niveaux de marge et les mesures de couverture sont l’apanage des rapports d’activité et non des comptes semestriels : le lecteur des comptes restera sur sa faim.
Il est remarquable de noter que plus de 80% des sociétés font état d’une absence d’indices de perte de valeur au cours du semestre, d’ailleurs rarement expliquée, et que, en conséquence, aucun test de dépréciation de goodwill n’a été mis en œuvre. Et même lorsque des tests ont été menés, les informations sur l’évolution des taux d’actualisation ne sont fournies qu’exceptionnellement. Si les taux sans risques ont largement augmenté, de l’ordre de 100 points de base, qu’en est-il des facteurs d’inflation pris en compte ? Et quels sont les niveaux de primes de marché qui auraient été retenus ? Les comptes semestriels ne le disent pas.
Et la façon dont les grands groupes abordent l’inflation, en tant que phénomène global, reste difficilement perceptible. Près d’un tiers des groupes signale avoir pu répercuter des hausses de coûts dans leur prix de vente ou avoir mis en place des mesures d’optimisation et des couvertures pour protéger leurs marges. Des opérations de financement s’inscrivent dans la volonté de maîtriser le coût financier. Mais il est manifestement trop tôt pour que ce risque soit considéré comme un facteur clé et durable affectant la performance et la lecture des comptes.
Moins médiatique, la forte hausse du taux d’intérêt des entreprises de première catégorie, qui est passé par exemple en France d’environ 1% à 3% entre le 31 décembre 2021 et le 30 juin 2022, a impacté à la baisse les calculs d’engagements sociaux d’au moins 13,5 milliards d’euros, avant couverture éventuelle par des actifs dédiés. Il sera intéressant de suivre l’évolution possible du paramètre de revalorisation annuelle des salaires qui a effet opposé sur le montant de ces engagements
Et le risque climatique ? Ne serait-il pas le principal oublié des comptes semestriels ? 5 sociétés évoquent ce risque en annexe, dont l’une d’elles pour rappeler une absence d’exposition. Certes les comptes semestriels renvoient aux derniers comptes annuels publiés et les rapports d’activité peuvent aborder ces enjeux. Ou est-ce un prisme de l’horizon de l’information financière semestrielle ?
Les auteurs
de Noray