Crise ukrainienne : quels effets dans les comptes 2021
Publié le 4 avril 2022Le 24 février 2022, la Russie lançait des opérations militaires en Ukraine. En représailles, de nombreux Etats ont pris des sanctions financières à l’encontre de dirigeants et de sociétés russes. Ces sanctions ont d’ores et déjà des incidences sur les niveaux d’activités, la capacité de maintenir les approvisionnements en matière premières ou encore la présence en Russie de nombreux groupes internationaux.
C’est dans ce contexte de grande incertitude que de nombreux groupes vont arrêter leurs comptes 2021. Cet environnement se rapproche d’une certaine façon de celui observé lors de l’arrêté des comptes 2019 au début de la pandémie de Covid-19. Aussi, nous proposons ici, de rappeler les principes à garder en tête dans le cadre de cet arrêté comptable 2021 en abordant successivement les comptes, l’information présentée en annexe avant de conclure avec les autres vecteurs de communication financière.
Un événement 2022 à appréhender dans les comptes 2022
Comme l’a indiqué la Compagnie nationale des commissaires aux comptes dans son communiqué du 9 mars 2022, ce conflit et ses multiples implications sont à rattacher à l’exercice 2022. En effet, le début des hostilités ayant été lancé le 24 février 2022, c’est cette date qu’il faut utiliser comme référence afin de déterminer le rattachement des impacts financiers. Fort de ce constat, il convient alors pour les entités établissant des comptes au 31 décembre 2021 de ne pas tenir compte des effets de cette crise dans leurs comptes, que ce soit en matière d’évaluation d’actifs, de provisions ou d’appréciation du contrôle sur les entités incluses dans le périmètre de consolidation notamment.
L’absence de comptabilisation ne doit pas pour autant signifier une absence d’information
La non-comptabilisation des effets de cette crise dans les comptes 2021 ne signifie pas de complètement passer sous silence les effets dans les publications 2021. Si les états financiers primaires ne sont pas ajustés, une information circonstanciée doit être intégrée en annexe afin de présenter aux lecteurs les impacts estimés par la direction. Ces conséquences peuvent être directes ou indirectes :
Conséquences directes :
- Valorisation des actifs dont l’utilisation future peut être compromise ou même rendue impossible dans le cas de destruction physiques ;
- sortie de ressources attendues pour faire face à des engagements pris ou bien pour se désengager de contrats par exemple ;
- effets sur le périmètre des groupes en lien avec les mesures de nationalisation qui ont pu être évoquées ;
- etc…
Conséquences indirectes :
- Baisse d’activité dans le cas où l’entité opérerait fréquemment avec des clients ukrainiens ;
- Difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en marchandises en provenance de la zone de conflit ;
- Hausse des prix des l’énergie (électricité et gaz notamment) ;
- Hausse des coûts d’approvisionnement en lien avec le maintien à un niveau élevé de l’inflation ;
- etc…
Bien entendu, compte tenu de l’évolution permanente de la situation, il est difficile pour les dirigeants d’avoir une vision précise de l’ensemble des implications de cette crise au moment de publier les états financiers. Pour faire face à cette incertitude, les émetteurs sont invités, au titre des événements post-clôture, à préciser dans leur annexe les impacts attendus ainsi que les modalités ayant permis de les déterminer. Dans son communiqué du 14 mars 2022, l’ESMA a d’ailleurs attiré l’attention des marchés sur divers sujets au nombre desquels on observe la communication financière. Cette recommandation a été relayée en France dès le lendemain par l’AMF qui met en avant la nécessité de « communiquer dès que possible toute information privilégiée relative aux impacts de la crise sur leurs activités, perspectives et situation financière ». Le régulateur français invite à « publier des informations qualitatives et quantitatives sur les impacts directs et indirects actuels et prévisibles de la crise sur les activités, la stratégie, les expositions, les chaînes d’approvisionnement, la situation financière des sociétés ».
La communication financière
Au-delà de la communication dans les comptes, il est recommandé de tirer les conséquences dans les autres communications financières des effets de la crise ukrainienne. Ainsi, les émetteurs devront considérer les impacts de la crise dans les comptes prévisionnels préparés à des fins de conformité à la réglementation française mais aussi les prévisions qui seront communiqués aux investisseurs. Dans cette optique, une importance particulière devra être apportée à la présentation du contexte dans lequel ces prévisions auront été établies ainsi que des hypothèses clefs qui auront été retenues. Enfin au-delà des aspects financiers, il conviendra éventuellement de présenter, dans les facteurs de risque auquel l’entité est exposé, les impacts que cette crise pourrait avoir.
Pour conclure, le traitement comptable de cette crise majeure n’est pas sans rappeler celui retenu pour traiter de la crise Covid-19 dans les états financiers 2020. Si les états financiers arrêté au 31 décembre 2021 se voient épargnés des effets de la guerre en Ukraine, il n’en sera pas de même pour les bilans et comptes de résultat des exercices clos après le 24 février 2022 qui devront, au contraire, intégrer les éventuels ajustements relatifs à cette crise.
Les auteurs
Aubrun