L’émergence des Obligations Vertes Européennes, outil au service de la finance durable
Publié le 16 octobre 2023Paru en mai 2023, le rapport Pisani-Ferry vise à améliorer la compréhension des impacts macroéconomiques de la transition climatique. Les auteurs soulignent que « le supplément de dépenses publiques induit par la transition climatique devrait être à l’horizon 2030 compris entre 25 et 34 milliards d’euros par an ». Ces dépenses n’augmentant pas le potentiel de croissance, elles devront très probablement être financées par endettement. Dans ce contexte, le fléchage des ressources financières vers des projets durable sera nécessaire.
Le Green Deal Européen : un cadre réglementaire global
Après une prise de conscience des enjeux climatiques et la conclusion des accords de Paris issus de la COP 21, le Green Deal Européen a vu le jour en 2020 avec comme objectifs (i) de réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, (ii) d’intégrer la durabilité dans la gestion des risques et (iii) de favoriser la transparence ainsi que la vision de long terme.
Ainsi, la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) a vu le jour chez les acteurs financiers en 2022 tandis que la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) sera applicable dès 2024 pour les entreprises. Afin de donner à ces deux mondes un langage commun, la taxonomie verte a fait son apparition en 2022 en vue d’une application complète en 2024.
Enfin, pour compléter le dispositif et atteindre l’objectif de fléchage des fonds vers des investissements durables, l’Union Européenne a publié en 2023 son standard relatif aux obligations vertes européenne. Pour cet outil de la finance durable, la taxonomie verte européenne sera la grille de lecture permettant de déterminer quelles activités sont durables (et donc finançables) et lesquelles ne le sont pas. Le schéma ci-dessous illustre les interactions entre ces différents dispositifs.
D’autres outils de financement adossés à des critères de durabilité préexistaient à la formation du standard européen, et continueront d’exister après sa mise en application.
EU Green bonds ou financements adossés à des critères de durabilité : quelles différences ?
Aujourd’hui, les entreprises désireuses de mettre en place des financements durables disposent d’une large palette d’options dont les noms sont aussi divers et variés (financement à impact, durable, vert…) que les conditions et critères d’émission. L’apparition des Obligations Vertes Européennes va changer la donne.
Si les financements adossés à des critères de durabilité actuels sont libres dans leur contractualisation, les Obligations Vertes Européennes devront répondre à un cadre strict dont les principales modalités pratiques sont les suivantes :
- L’émetteur devra publier une note conforme à la réglementation européenne en matière de prospectus ;
- Les fonds levés doivent être alloués à des projets conformes à la taxonomie verte, c’est-à-dire à des activités éligibles, alignées, ne nuisant pas à d’autres objectifs environnementaux, présentant des garanties sociales minimales et répondant aux critères d’examen techniques ;
- Une marge manœuvre de 15% des fonds levés sera laissé à la disposition de l’émetteur. Ces fonds, non-conformes à la taxonomie verte, devront toutefois être compatibles avec un autre référentiel international reconnu ou bien entrer dans le cadre d’activités pour lesquelles les critères d’examen techniques ne sont pas encore connus ;
- Le respect des critères de durabilité devra être certifier périodiquement par un vérificateur externe au moment de l’émission, au cours et en fin de vie de l’obligation ;
- Un rapport d’impact devra être publié pour mettre en évidence les effets du financement sur la durabilité des activités de l’émetteur.
La volonté d’harmonisation des pratiques de l’UE a conduit à une certaine lourdeur dans la pratique des Obligations Vertes Européennes en comparaison des autres modes de financement durables.
Quelle utilité pour les Obligations Vertes Européennes ?
A la lecture des obligations imposées par l’UE aux émetteurs d’Obligations Vertes Européennes, la question de leur utilité peut légitimement se poser. Le tableau ci-dessous reprend les principaux avantages et limites de ce nouveau dispositif :
Au-delà de ces avantages et limites évidents, il est une utilité plus difficile à apprécier mais pourtant pas des moindre dans la mise en place des Obligations Vertes Européennes : faire évoluer les pratiques. Si le succès des Obligations Vertes Européennes n’était pas au rendez-vous, il y a fort à parier que l’existence même du standard poussera les autres financements durables actuels à évoluer et à s’harmoniser.
En 2022, les obligations durables représentaient 35% des émissions de dettes. En 2023 et au niveau mondial, selon une étude de Recherche ESG Fixed Income de Crédit Agricole CIB, ces émissions pourraient atteindre 880 milliards d’euros, soit une hausse de 30 % par rapport à 2022. Ce sujet sera donc critique pour financer la transition climatique dans les années à venir.
Les auteurs
Aubrun