TPE, PME et ETI face aux enjeux de durabilité : quels impacts comptables ?

Publications Publié le 30 juin 2023

Depuis quelques temps l’actualité relative aux enjeux climatiques, et plus largement de durabilité, s’est renforcée. Dans la très large majorité des cas ce sont les grandes, voire les très grandes, entreprises ou organisations qui sont sous les feux de la rampe, ou des critiques selon les cas. Pourtant, en France, les TPE, PME et ETI comptent pour deux tiers des emplois salariés et représentent une part équivalente de la valeur ajoutée[1]. Il est donc temps de leur apporter une part de la lumière qu’elles méritent en abordant les impacts comptables des enjeux de durabilité de cette catégorie d’entreprises.


[1] « Les entreprises en France » INSEE, données 2020, étude parue en décembre 2022

La durabilité et les enjeux environnementaux, sociaux ou de gouvernance d’entreprises vont impacter les comptes des TPE, PME et ETI comme ils le font d’ores et déjà pour les grandes et très grandes entreprises. L’absence de normes et la plus grande souplesse de la réglementation vis-à-vis de ces entreprises rendent toutefois pour l’instant plus difficile la prise en compte de ces enjeux dans leurs états financiers. Il semble pourtant important d’apporter dès aujourd’hui une attention particulière aux impacts potentiels sur les comptes des éventuels engagements, décisions stratégiques ou mises en place de politique de durabilité.

La valeur de certains actifs mis sous pression

Le premier des aspects comptables à considérer est probablement celui de la valorisation des actifs, et notamment des actifs immobilisés. Les changements de comportement des consommateurs (que ce soient les consommateurs directs dans le cadre d’une activité B-to-C, ou indirects dans une activité B-to-B), la pression imposée par un client significatif et lui-même engagé dans une stratégie de durabilité ou les évolutions réglementaires peuvent impacter les débouchés commerciaux d’une entreprise et par effet de ricochet les perspectives de rendement de ses actifs. Si ces comportements sont encore marginaux au niveau des TPE, PME et ETI, ils prennent chaque jour de l’ampleur et il n’est plus rare que certains clients intègrent des critères de durabilité dans leurs appels d’offres.

La constatation de provisions complémentaires

La France compte depuis de nombreuses années parmi les pays les plus en pointe en matière de responsabilité environnementale des entreprises et organisations. La comptabilité française prévoit ainsi la constatation de provisions pour dépollution, remise en état ou encore démolition. Avec l’émergence de nouvelles réglementations et l’exposition médiatique accrue de ces enjeux, au niveau national mais aussi local, les entreprises doivent apporter une attention accrue à l’impact qu’elles peuvent avoir sur leur environnement. Il ne s’agit parfois pas de nouvelles provisions mais simplement de chiffrage plus important des engagements à prendre en comptes.

La communication autour des incertitudes en matière d’estimation comptable

Au-delà des chiffres, les lecteurs des états financiers des TPE, PME et ETI seront aussi attentifs aux annexes des comptes et notamment aux notes portant sur les hypothèses retenues et aux incertitudes relatives aux estimations comptables. Cela pourra être le cas d’un établissement de crédit finançant un nouvel investissement et soucieux de s’assurer de la capacité de remboursement de l’entreprise ou de celui d’un client engagé (volontairement ou non) sur la voie de la durabilité souhaitant s’assurer que les acteurs de sa chaine de valeur prennent bien en compte leurs impacts respectifs dans des conditions cohérentes.

Un accès au financement complexifié et plus coûteux

La récente remontée des taux d’intérêt engagée en Europe comme aux États-Unis afin de lutter contre l’inflation a eu pour effet de renchérir les sources de financement pour les entreprises. La transition vers une économie durable renforcera très probablement cette situation que ce soit au travers de critères d’octroi de lignes de crédit embarquant les enjeux de durabilité ou bien en intégrant dans les taux d’intérêts proposés des primes complémentaires en lien avec ces mêmes enjeux. Aujourd’hui, les établissements financiers proposent des boni pour les entreprises d’ores et déjà engagées pour l’environnement ou des sujets sociaux. Il ne serait pas surprenant que dans un horizon proche ces mêmes établissements ne proposent plus de boni pour les bons élèves mais intègrent plutôt des mali pour les derniers récalcitrants. Les prises de participations de fonds d’investissement devraient suivre la même logique et ces taux d’intérêts ou de retour sur investissement attendus plus élevés contraindront les TPE, PME et ETI à s’adapter. 

De même, l’obtention de certaines subventions commence déjà à être dépendant d’une certaine éco-responsabilité. A titre d’exemple, le Centre national du cinéma et de l’image animée a récemment indiqué mettre en place progressivement une éco-conditionnalité des aides octroyées, les bénéficiaires d’aides à la production devant remettre un bilan prévisionnel ainsi qu’un bilan définitif des émissions carbone engendrées par la production de leurs œuvres.

La nécessaire réflexion autour de la convention de continuité d’exploitation

Enfin, l’ensemble des thématiques abordées précédemment devra conduire les entreprises à se poser la question de la durabilité, financière cette fois, de leurs activités. Rendement des actifs en repli, engagements de remise en état plus lourd, financements plus chers… ces éléments peuvent, pour certains, faire pencher la balance dans le rouge et les amener à envisager la non-poursuite de certaines activités.

Si les aspects comptables évoqués dans cet article sont plutôt à charge, il est important d’avoir en tête que les entreprises qui prendront le virage de la durabilité pourront tirer leur épingle du jeu et bénéficier d’un avantage comparatif vis-à-vis de leurs concurrents. A choisir entre un produit durable et un produit non-engagé, à prix et qualité équivalents, un consommateur aura tendance à choisir la version durable. Il en va de même en cas de projet d’investissement. Un fonds d’investissement à la recherche d’une nouvelle prise de participation aura désormais tendance à intégrer les enjeux ESG dans sa valorisation et l’entreprise à la recherche de nouveaux investisseurs qui n’aurait pas encore pris dans ses comptes les impacts d’engagements ESG pourrait ne pas être retenue au profit d’une cible plus avancée sur les chemins de la durabilité.

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