Quelles attentes pour l’arrêté des comptes 2024 ?
Publié le 3 décembre 2024L’ESMA et l’AMF ont publié fin octobre leurs habituelles recommandations pour la préparation des comptes 2024. Ces priorités traduisent les enjeux actuels de la communication des entreprises.
La communication des entreprises est désormais financière et extra-financière. Le volume des informations a plus que doublé. De même, les recommandations de l’ESMA sont désormais composées à moitié par des sujets de durabilité. Les recommandations de l’AMF restent centrées sur les seuls aspects financiers et conservent toute leur pertinence pour les émetteurs français. Sur le fond, trois lignes récurrentes se dégagent clairement.
1. Le poids du jugement dans les états financiers
La sophistication des normes comptables impose des jugements et estimations dont les impacts peuvent être critiques à tous les niveaux de la préparation des comptes : application des principes comptables à des opérations spécifiques (IAS 1§122), comptabilisation des actifs et des actifs (IAS 1§125), prise en compte d’estimations (IAS 1§129) soumises aux aléas macroéconomiques, technologiques, sociaux, géopolitiques ou climatiques.
Avez-vous fait l’exercice de savoir quelles sont les rubriques des états financiers qui reposent sur des jugements et estimations ? Savez-vous identifier les facteurs dont l’évolution peut causer des impacts significatifs et indiquer dans quelles mesures et quand ces facteurs sont susceptibles d’évoluer ?
Les exemples d’applications qui figurent dans les recommandations sont nombreux (et non exhaustifs) : tests de dépréciation, instruments financiers à la juste valeur, situations complexes d’appréciation du contrôle de filiales, reconnaissance des marges de contrats à long terme, qualification de la position d’agent ou de principal au sein d’une chaîne de valeur, mais aussi les situations pouvant menacer la continuité d’exploitation.
2. La lisibilité du risque de liquidité et de la trésorerie
La liquidité est une information prisée parce qu’elle est un indicateur en apparence simple et de la situation financière et qu’elle ne semble pas dépendre de traitements comptables élaborés.
Les régulateurs rappellent en premier lieu la transparence exigée sur les impacts des contrats d’affacturage inversé, en lien avec les nouvelles obligations issues des amendements d’IAS 7 et IFRS 7.
En deuxième lieu, les régulateurs insistent sur la correcte présentation des situations de bris de covenant. Lorsqu’un convenant n’est pas respecté avant ou à la date de clôture, la dette correspondante est reclassée en passif courant. L’amendement d’IAS 1 applicable à partir de janvier 2024 prévoit notamment que les éventuelles négociations intervenues entre la date de clôture et la date d’arrêté des comptes ne permettent pas de modifier ce traitement comptable et impose de nouvelles informations détaillées sur le risque d’exigibilité dans les douze prochains mois.
En dernier lieu, les régulateurs reviennent une nouvelle fois sur la présentation du tableau de flux de trésorerie. Au niveau français, l’AMF évoque la présentation perfectible des dettes locatives. Ce dernier point est essentiel pour permettre des analyses financières pertinentes après l’application d’IFRS 16 sur les contrats de location.
3. La cohérence des informations
Le volume des informations et l’émergence des données extra-financières sont à l’origine d’une préoccupation forte des régulateurs.
La connectivité entre les rapports annuels et les rapports de durabilité issus de la CSRD a déjà fait l’objet de recommandations au cours des années passées. Encore insuffisamment définie, elle se traduit par des informations croisées :
- Le rapport de durabilité doit notamment lister les points d’ancrage qui sont repris des états financiers et en donner les références précises ;
- Les rapports annuels doivent intégrer les conséquences des stratégies et des engagements pris, en particulier pour le climat (mais pas seulement), sur les données de taxonomie verte, les tests de dépréciation, les coûts et provisions supportées, l’information sectorielle, etc.
En attendant que les normes IFRS et la doctrine de l’IFRIC ne fixent un cadre plus contraignant[1], les informations détaillées dans les comptes sont rares ou peu transparentes. Les attentes sont cependant grandes d’une continuité de lecture entre la performance financière comptable et la vision à long terme affichée dans les rapports de durabilité, au risque de décrédibiliser l’un et l’autre.
Les recommandations des régulateurs ne font donc que rappeler que parmi les qualités fondamentales de la communication financière figurent la prise de conscience de l’ampleur des impacts du jugement, la transparence sur la situation de trésorerie et de liquidité et, désormais, la cohérence des engagements de durabilité avec les décisions prises dont certaines sont d’ores et déjà visibles dans les comptes.
[1] EFRAG juin 2024 : première réflexion sur les enjeux de connectivité. IASB juillet 2024 : exposé sondage « Information sur les changements climatiques et d’autres incertitudes dans les états financiers » à partir de 8 exemples illustratifs. IFRC IC avril 2024 : conditions à respecter pour enregistrer une provision au titre d’un engagement de trajectoire carbone.
Les auteurs
de Noray